Le programme des travaux de restauration

Comme un casse-tête géant

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La basilique Notre-Dame de Montréal, monument emblématique de la ville et joyau de son cœur historique, fait l’objet d’une réfection jugée essentielle à sa préservation. Amorcée en 2019, l’intervention s’étendra minimalement sur la décennie. Déjà, la passerelle reliant les deux clochers et l’extérieur de la tour Ouest ont été remis à leur état d’origine. Le chantier en cours vise le même traitement pour la tour jumelle, que La Presse a exploré avec l’équipe de conception des travaux.

26 octobre 2024, par Isabelle Morin


Un grand échafaudage s’est greffé à la façade de la basilique Notre-Dame. En gravir les hauteurs sur la plateforme servant d’ascenseur extérieur permet d’en mesurer la grandeur. À hauteur de clocher, elle domine majestueusement la ville et sa place d’Armes. Elle dévoile également ses ambitions initiales, soit d’être la plus imposante église d’Amérique, toutes confessions confondues, ce qu’elle fut de 1841 à 1879 avant d’être détrônée par la cathédrale Saint-Patrick de New York.

 

Le temps a eu raison d’une partie de son lustre. C’est la raison pour laquelle un programme de restauration a été lancé en 2019, afin de remettre en état les éléments les plus endommagés de sa structure, dont ses deux tours, culminant à plus de 60 mètres, particulièrement exposées aux intempéries dans leurs sections supérieures.

 

L’ambition est de redonner leur intégrité d’antan aux maçonneries, clochers, structures sonores, solins et autres éléments architecturaux : une mission colossale confiée à la firme DFS Architecture.

 

Spécialisée dans les bâtiments patrimoniaux, elle en est à son troisième chantier sur la basilique, après avoir réalisé les travaux sur la passerelle et la tour Ouest.

 

« C’est une opération complexe. On travaille avec des bâtiments qui ont 200 ans d’âge. On ne connaît pas les conditions de chacune des pierres et l’état des murs n’est pas toujours visible. Certaines se cassent entre les mains des maçons », décrit Pascal Létourneau, architecte associé chez DFS. Cet élément de surprise a fait bondir les coûts de restauration de 30 à 50 millions de dollars en cours de route.

 

Sur les 15 millions prévus pour les trois premières phases, 1 million de dollars ont été investis par le Conseil du patrimoine religieux du Québec. Le financement de l’opération est assuré essentiellement par la Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal, un organisme sans but lucratif, avec l’argent amassé grâce aux touristes, paroissiens et donateurs.

Sur le parvis de la Basilique gisent les pignons métalliques dont a été décoiffée la tour Est, nommée Tempérance. À côté s’amoncellent des pierres anciennes, méticuleusement numérotées, qui retourneront à leur emplacement d’origine après avoir été restaurées.

 


Pour comprendre l’ampleur du travail architectural réalisé au XIXe siècle, il faut s’imaginer construire un Stade olympique.

 

— Daniel Durand, architecte responsable du chantier pour DFS Architecture

 


Chaque tour comprend de 8000 à 10 000 pierres. Près du quart doit être remplacé. Chacune, d’un poids de 200 à 300 livres, est minutieusement inspectée, démontée, réparée ou remplacée par des pierres neuves, taillées à la machine et finies à la main selon les dimensions et les caractéristiques d’origine. « Avec une moyenne de 10 heures de travail par pierre, ça fait beaucoup de temps », souligne l’architecte responsable du chantier pour DFS, Daniel Durand.

 

Les pierres de la structure sont en calcaire, un matériau particulièrement vulnérable à l’humidité. À ce facteur s’ajoutent la qualité inférieure des pierres utilisées pour la construction des deux tours et une installation qui les fragilise davantage. « Déjà à l’époque, on avait constaté que la pierre était sujette à des fractures et à une érosion prématurée par rapport à celles utilisées pour le corps du bâtiment », souligne l’architecte. Des pierres provenant du même segment géologique que celles de l’édifice central sont utilisées pour la réfection. Elles sont posées dans le sens du lit, contrairement à ce qui avait été fait à l’époque pour les tours.

Restaurer un bâtiment vieux de plus de deux siècles présente des défis uniques sur les plans technique et logistique, rappelle Hugo Latrémouille, du constructeur Rainville et Frères. En raison de l’exiguïté des tours et pour des raisons de sécurité, un maximum de 20 ouvriers peut travailler sur le chantier sans se superposer. La difficulté d’accès à certaines zones élevées entraîne également des déplacements difficiles.

 

L’expertise est par ailleurs un enjeu, ajoute le directeur de chantier.

 


Ce qu’on fait ici, ce n’est plus quelque chose qui s’enseigne. Il y a beaucoup d’apprentissages faits sur place. Ceux avec plus d’expérience montrent la technique aux plus jeunes. Ça s’apprend sur le tas, comme on dit !

 

— Hugo Latrémouille, du constructeur Rainville et Frères, directeur du chantier


Les travaux réalisés sur Persévérance, la tour Ouest, sont déjà identifiables à la couleur plus éclatante des nouvelles pierres, qui font discrètement écho au labeur des artisans d’autrefois. Leur patine sera laissée à l’œuvre du temps. À terme, les travaux permettront également de renforcer les vitraux qui s’amincissent et de remettre à neuf la peinture des voûtes et les toiles. « Le bâtiment a une haute valeur patrimoniale et doit être préservé à l’identique, souligne le directeur de chantier. L’idée, c’est que dans 10 ans, quelqu’un passe devant la Basilique sans se douter des interventions qui y ont été faites. »

 

Construite entre 1824 et 1841, la Basilique, classée patrimoine national, a été érigée à l’emplacement de la première église Notre-Dame, inaugurée en 1683 et devenue trop petite pour ses 15 000 fidèles, alors qu’elle pouvait en accueillir 3000. Au début du XIXsiècle, la décision sera prise de la remplacer par une plus grande que l’on souhaitait être la plus belle d’Amérique.

 

C’est à l’architecte new-yorkais et protestant James O’Donnell, d’ailleurs enterré dans la crypte de la Basilique après s’être converti au catholicisme, que sera confiée cette mission ambitieuse s’inspirant de Notre-Dame de Paris et de Saint-Sulpice. La construction prendra 35 mois, mais il faudra attendre encore 10 ans avant que l’édifice n’ait ses clochers, faute de fonds.

 

La tour Ouest, nommée Persévérance, abrite le bourdon Jean-Baptiste, qui pèse 10 900 kg Elle a été achevée en 1841, tandis que Tempérance, la tour Est, où loge un carillon de 10 cloches, a été finalisée en 1843. Trois statues – celles de saint Joseph, de la Vierge Marie et de saint Jean-Baptiste – complètent le décor de la façade en 1865. Le 7 décembre 1978, un incendie endommage gravement la chapelle, qui sera reconstruite et inaugurée en 1982 dans sa nouvelle version où figure une œuvre en bronze du sculpteur Charles Deaudelin. La même année, elle sera élevée du rang d’église à basilique par le pape Jean-Paul II.

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